Ça coûte un bras 

illustration gabriel vasconcelos - @ahcadarPaul était fan du chanteur ***. Comme des millions de personnes à travers le monde, il suivait ses moindres faits et gestes sur internet et était prêt à débourser des centaines de dollars pour acheter des objets utilisés par l’artiste qui avait fait de sa vie privée une boutique.Malheureusement, certains artistes …

illustration gabriel vasconcelos – @ahcadar

Paul était fan du chanteur ***. Comme des millions de personnes à travers le monde, il suivait ses moindres faits et gestes sur internet et était prêt à débourser des centaines de dollars pour acheter des objets utilisés par l’artiste qui avait fait de sa vie privée une boutique.

Malheureusement, certains artistes brillent trop fort trop tôt et, emportés par leur élan, se consument prématurément.

La mort du chanteur fut un choc pour le monde entier, une tragédie artistique et une orgie pécuniaire. Tout ce qui avaient appartenu de son vivant au chanteur, et que les fans possédaient, inonda le marché de l’art et les autres réseaux d’enchères. L’argent transitait partout, c’était de la folie ! Personne n’aurait pu prévoir un tel engouement. 

Certainement pas Paul le soir où il était entré dans un salon de tatouage ouvert étonnement tard. Il était un peu saoul, il venait de passer la soirée à boire des coups dans un bar avec ses amis. C’est l’alcool qui l’aida à reconsidérer une idée qu’il avait eu jeune, se faire tatouer une hache, apparemment l’emblème de la famille, à l’intérieur du bras.

Le tatoueur accepta de faire le dessin, il n’avait rien d’autre à faire, il était insomniaque. 

Pendant que Paul enlevait son t-shirt et que le tatoueur préparait son encre et ses outils, un homme entra dans le salon. Ce n’était autre que le chanteur ***, lui aussi surpris de trouver un tatoueur ouvert à cette heure, qui s’était approché, attiré par la lumière, avec une idée derrière la tête. 

Stupéfait, Paul abandonna son idée de hache familiale et osa, ô folie !, demander à son idole qu’elle signe son bras avec l’aiguille du tatoueur. C’était une idée unique qui séduisit aussitôt l’artiste. En quelques minutes, et avec de la maladresse, le bras de Paul devint une œuvre d’art mineure.

Lors des funérailles du chanteur, le tatoueur était dans son salon et regardait avec un client la retransmission en direct. Il se souvint de ce soir d’insomnie et le raconta comme une anecdote emprunte de nostalgie à l’une des personnes les plus bavardes de sa génération. 

D’abord rumeur, celle d’un homme tatoué de la main du chanteur, elle devient réalité lorsque l’identité de Paul fut révélée sur les réseaux sociaux. Il devient alors la proie de milliers de fans prêts à s’arracher un bras contre le sien, certains ont essayé, et d’autres l’ont kidnappé pour tenter de lui couper le bras. La police a dû intervenir à plusieurs reprises pour garantir sa sécurité.

Paul finit par prendre conscience de la valeur de son bras et se laissa séduire par les sirènes de l’argent. Malgré les sommes astronomiques qu’il reçut, Paul ne voulut jamais se séparer de son bras. L’un des acheteurs lui proposa qu’il garde son bras à condition qu’il ne l’utilise plus, pour ne pas abîmer l’œuvre.

Au milieu de l’opulence nouvellement acquise, le bras de Paul montra des signes de faiblesses. Rapidement ses fonctions vitales dégénérèrent, du fait de la non-activité, et une amputation devint nécessaire pour sauver la vie de Paul et la vie de l’œuvre.

Le bras de Paul se revendit encore un peu, puis quelqu’un eu l’idée de le couper en petits morceaux et de les revendre comme autant de reliques. 

Quant à Paul, vivant et presque entier, il a pris sa retraite. Il s’est acheté une maison en bord de mer et suit plusieurs formations pour apprendre à vivre avec une prothèse. Les progrès en la matière étant fabuleux, Paul assure que c’est comme s’il ne s’était rien passé.

gabriel debailly

gabriel debailly

Keep in touch with our news & offers

Subscribe to Our Newsletter

EN